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Marché de l’armement: pourquoi la Russie a le vent en poupe

Bien au-delà de la simple Kalashnikov, l'industrie russe de l'armement profite à plein de sa montée en gamme et de son investissement sur de nouveaux segments de marché porteurs.

Bien au-delà de la simple Kalashnikov, l'industrie russe de l'armement profite à plein de sa montée en gamme et de son investissement sur de nouveaux segments de marché porteurs. - Martin Bureau - AFP Photo

Révélation du rapport annuel de l’Institut de Recherche de la Paix de Stockholm (SIPRI): en 2014, c’est la Russie qui aura gagné le plus de parts de marché, face aux fabricants d’armes occidentaux.

L’industrie russe de l’armement se porte à merveille. Selon les dernières données du SIPRI, les manufacturiers russes auront enregistré une hausse de 50% de leurs ventes en valeur sur l’année 2014. 19 fabricants du pays ainsi que leurs filiales font même leur entrée dans le palmarès des 100 meilleurs vendeurs mondiaux.

Une très forte croissance qui contraste largement avec les performances plutôt médiocres des acteurs occidentaux du secteur: avec 80% d’un marché évalué à 400 milliards de dollars au total, Américains et Européens voient leurs ventes reculer de 3,5% en valeur, et de 7,4% en volume sur la même période.

Une vraie nouvelle frontière Est-Ouest

Un signe très clair de la mauvaise conjoncture actuelle pour ces pays et ces fabricants, qui sont avant tout fournisseurs de la demande intérieure, notamment aux États-Unis, ainsi que de leurs propres forces armées ou celles de pays amis.

Au total, tous acteurs confondus, le marché mondial des armes s’est légèrement contracté, -1,5% sur l’année 2014. Et une vraie frontière est en train de se dessiner entre fabricants occidentaux dont les ventes reculent, et acteurs émergents, de plus en plus dominés par la Russie.

Clientèle traditionnelle

Les fabricants russes en effet capitalisent sur deux marchés principaux très demandeurs et qui ont toujours été équipés de matériel russe, depuis l’époque soviétique: l’Inde et la Chine. Ces derniers fabriquent au besoin sous licence, améliorent les matériels, mais se fournissent toujours auprès du "Grand Frère" russe.

Les anciens pays du Pacte de Varsovie, pour la plupart maintenant sous commandement de l’OTAN, ont naturellement migré vers des fournisseurs occidentaux.

Nouveaux relais de croissance

Mais d’autres pays sont de plus en plus demandeurs de matériel russe, qui avait l’avantage à l’époque d’être meilleur marché et de construction plus robuste que les matériels occidentaux, plus sophistiqués, et par nature plus complexes et demandant plus d’entretien et de suivi.

Cela dit, note le SIPRI, le phénomène est moins vrai ces derniers temps, et contribue aussi à cette forte croissance des ventes d’armes russes: "Le conflit en Ukraine et les sanctions économiques, loin d'être un handicap, ont obligé la Russie à investir dans des armes technologiquement plus avancées et à chercher de nouveaux marchés".

Le conflit en Ukraine, vecteur de croissance

Autrement dit, la Russie n’exporte plus que de simples Kalachnikov. On est semble-t-il sur des gammes d’armements plus évoluées et plus sophistiquées, moins chères que la concurrence.

Et le niveau des volumes et la course aux armements au Proche-Orient et en Asie permet aux industriels russes de voir leurs ventes exploser, ainsi que leurs bénéfices. Le conflit Ukrainien, bien loin de desservir la Russie, lui a ouvert tous ces marchés très porteurs. Mieux, le conflit de Crimée a même totalement éteint un des grands concurrents des fabricants d’armes russes, les manufacturiers ukrainiens.

Plusieurs années de croissance soutenue à venir

Ces derniers, qui fabriquaient beaucoup de matériel russe sous licence, ont vu leurs ventes s’effondrer sur la même période, -37% sur l’année, et même une chute de moitié du chiffre d’affaires du plus gros manufacturier du pays, UkrOboronProm.

Un champ concurrentiel plus libre, une montée en gamme technologique, des débouchés traditionnels porteurs et de nouveaux marchés: les fabricants d’armes russes ont selon les experts quelques très belles années de croissance devant eux, même si, prudemment, l’Agence russe des exportations militaires préfère tabler pour le moment sur des ventes plutôt stables ces 3 prochaines années, en prenant aussi en compte des effets de devise défavorables.

Antoine Larigaudrie