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Monde

Quand l'Amérique est ailleurs et la Russie est ivre, l'Europe s'abîme

La Russie ne saurait jouer longtemps encore à la superpuissance et l’Amérique se limiter à en condamner l’attitude tel un commentateur affligé. Pendant ce temps, l’Union Européenne se désunit…
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100216 Challenges Sommet du G20 en 2013 Poutine, Obama et Merkel
Sommet du G20 en 2013 Poutine, Obama et Merkel
(c) AFP

L’un n’est plus le gendarme du monde, l’autre ne gouverne plus l’Europe et le troisième entend réaffirmer sa puissance. États-Unis, Allemagne et Russie, aucun de ces trois pays n’est plus le même. Tout en est changé sur la scène internationale, mais commençons par l’Amérique.

La Russie écrase Alep sous ses bombes. La Russie brise tout espoir de compromis politique en Syrie en défaisant l’insurrection. La Russie viole tous les engagements qu’elle avait pris au Conseil de sécurité. Elle ridiculise les États-Unis qui avaient cru pouvoir prêter foi à ses assurances. Pire encore, elle précipite ainsi le Proche-Orient dans une longue guerre d’influence entre l’Arabie saoudite et l’Iran dont les effets ne seront pas que régionaux et que fait l’Amérique?

L’Amérique ne fait rien. Malgré sa suprématie militaire, malgré ses alliés arabes qui la pressent de les défendre contre l’axe formé par Moscou, Damas et Téhéran, l’Amérique se contente de regretter, déplorer, condamner l’attitude de la Russie mais sans ne jamais sortir d’un rôle de commentateur affligé.

C’est un choix, bien sûr. L’Amérique ne veut plus se réengager au Proche-Orient. Elle s’y refuse parce qu’elle sort d’en prendre et qu’elle n’estime plus, surtout, que ses intérêts vitaux soient en jeu dans cette région où tout lui importait tant hier. Elle s’accommoderait tout aussi bien, en Syrie, d’une victoire du régime que de celle de l’opposition. Si l’Iran prenait, demain, le pas sur l’Arabie saoudite, cela ne la gênerait pas plus que l’inverse puisqu’elle peut aussi bien s’entendre avec l’un qu’avec l’autre.

Si le Proche-Orient finit par bientôt plonger dans une guerre de Trente ans, c’est triste mais beaucoup plus dommageable pour l’Europe que pour les États-Unis qui sont donc très loin de s’en émouvoir car ils sont tous occupés en Asie.

C’est là, pensent-ils, dans la rivalité avec la Chine, que se joue leur avenir et c’est contre ce nouvel adversaire qu’ils s’emploient à créer, avec ses voisins, une zone de libre-échange dont ils seraient le pivot et pressent Japonais et Sud-Coréens de s’abriter sous leurs systèmes de défense anti-missiles - sous ce parapluie qu’ils ne tendent plus à l’Europe.

La Russie montre ses muscles, l’Allemagne s’affaiblit

C’est un tournant capital dont les Européens devraient immédiatement tirer les conséquences en se dotant d’une Défense commune. Ce serait la logique. C’est un impératif dont un enfant verrait l’urgence mais non. Il y a bien peu de chances que cela se fasse car l’Union se désunit.

À l’Est, ses nouveaux membres ne s’inquiètent que de Vladimir Poutine et en copient toujours plus l’autoritarisme. Au Sud, ce sont les chaos des mondes musulmans qui mobilisent toutes les énergies. L’accueil des réfugiés syriens et le Proche-Orient achèvent ainsi de diviser l’Union alors que l’Allemagne n’est plus en situation de faire respecter les plafonds de déficit auxquels elle avait conditionné la création de l’euro.

C’est le deuxième tournant de la situation internationale.

En Allemagne comme dans le reste de l’Europe et du monde, Mme Merkel est tellement affaiblie par la crise des réfugiés qu’elle est partout en quête de soutiens politiques. Elle en est à son deuxième voyage en Turquie. Il lui faut accepter la commisération avec laquelle la France l’assure de son soutien. Même la Grèce peut désormais lui faire valoir qu’il y a contradiction entre les exigences de réduction de ses dépenses et de renforcement de ses frontières.

La chancelière ne peut aujourd’hui plus exiger de la Commission qu’elle sanctionne les manquements au Pacte de stabilité qui prend l’eau de toute part. On pourrait s’en réjouir tant la première qualité de ce pacte n’était pas la subtilité mais il y a virtuellement là comme un coup de grâce à une Union dont les Britanniques pourraient claquer la porte en juin et dont chaque capitale nationale n’en fait plus qu’à sa tête.

Le grand perdant de ces bouleversements ? L’Europe…

L’Amérique est ailleurs, l’Europe s’abîme et Vladimir Poutine s’engouffre dans ces brèches. C’est le troisième tournant du moment et il est tout, sauf surprenant car il y a près de vingt ans que la Russie ne supportait plus que les Occidentaux la traitent en quantité négligeable. Ce pays qui est le plus étendu du monde, l’Amérique et l’Europe l’avaient si bien rayée de la carte que George Bush n’avait pas même répondu à ses offres de soutien après le 11 septembre et que l’Union avait cru pouvoir se rapprocher de l’Ukraine sans garantir au Kremlin que cela n’annonçait pas une nouvelle extension de l’Otan.

C’était compter sans l’histoire et la géographie qui ont permis l’annexion de la Crimée et sans l’aviation russe qui rebat aujourd’hui les cartes en Syrie. Cela ne trouble guère l’Amérique qui peut même se dire que si la Russie tient tant à s’embourber au Proche-Orient, grand bien lui fasse, mais il n’en va pas de même pour l’Union.

Les Européens se retrouvent, eux, avec une guerre à leur frontière orientale, des États-membres - Pologne et Pays baltes - qui les appellent à la mobilisation générale, de nouveaux flots de réfugiés en perspective et une Turquie en position de force qui n’acceptera pas de contrôler ses côtes sans contreparties économiques et politiques.

La Russie est ivre. Avec des infrastructures datant des années 70 et des caisses vidées par l’effondrement des cours du pétrole, elle ne pourra pas éternellement jouer à la superpuissance. La Russie s’épuise à montrer ses muscles mais elle les montre et le grand perdant de ces trois bouleversements est l’Union, nain politique et militaire qui s’acharne à se défaire.

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