Il est parti sur un dernier regret. Quelques heures avant l’annonce de son départ du Quai d’Orsay, mercredi 10 février, Laurent Fabius n’a pas caché son amertume envers Barack Obama, dont il a dénoncé les « ambiguïtés » de sa politique syrienne : « Il y a la parole, mais les actions sont une autre affaire. »
Arrivé au ministère des affaires étrangères en pleine montée en puissance de l’insurrection contre Bachar Al-Assad, Laurent Fabius, qui n’a cessé de demander son départ pendant quatre ans, ne peut que constater que le dictateur syrien est solidement arrimé au pouvoir alors même que son pays est détruit, avec 250 000 morts, près de 5 millions de réfugiés, 8 millions de déplacés et un tiers de son territoire sous la coupe de l’organisation Etat islamique (EI). L’on n’en serait pas là, selon M. Fabius, sans la volte-face du président américain, qui a renoncé, en août 2013, à mettre à exécution sa menace de punir Bachar Al-Assad si jamais il franchissait la « ligne rouge » consistant à user de l’arme chimique.
Passé ce fatal 31 août 2013, la France n’a cessé de s’isoler de son principal allié occidental, tenant une position qui, aussi morale et digne fût-elle, a échoué à faire bouger les lignes sur le terrain. S’il est un reproche que l’on ne peut pas faire à M. Fabius, c’est celui de la versatilité et de l’opportunisme. Mais son intransigeance en Syrie, qui a aligné la France sur des puissances sunnites comme l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie, s’apparente aujourd’hui à une impasse. Sans doute, M. Fabius a-t-il surestimé le poids de la France, puissance moyenne dans un monde « zéropolaire », comme il aime à le décrire, pour pouvoir changer le cours du drame syrien.
Un échec, deux succès
A l’heure de rejoindre la présidence du Conseil constitutionnel, le bilan de l’ex-« plus jeune premier ministre de France » – le record tient toujours – au Quai d’Orsay se résume ainsi : un échec (la Syrie), deux succès (la COP21 et le nucléaire iranien) et deux trous noirs (l’Afrique et l’Europe). A l’inverse de la Syrie, M. Fabius a joué un rôle décisif dans l’accord mondial, obtenu en décembre 2015, sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Peu convaincu au départ, il s’est emparé du sujet à bras-le-corps, forçant son administration à se mettre au service du sommet de Paris, dont le succès était loin d’être acquis d’avance. Le sens de la méthode et la capacité de travail de M. Fabius ont fait merveille et, au moment d’annoncer l’accord, cet animal à sang froid a eu du mal à masquer son émotion. Il entend d’ailleurs garder la présidence de la COP jusqu’à la fin de l’année, malgré ses futures fonctions au Conseil constitutionnel.
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