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A Genève, des discussions s’amorcent sur le volet humanitaire en Syrie

Selon le Haut Comité des négociations, « la libération des femmes et des enfants aurait une valeur symbolique forte ».

Par  (Genève, envoyée spéciale)

Publié le 01 février 2016 à 04h49, modifié le 01 février 2016 à 13h41

Temps de Lecture 4 min.

Le chef de la délégation du gouvernement syrien, Bachar Al-Jaafari (à gauche), et Staffan de Mistura,  l’émissaire spécial des Nations unies pour la Syrie, à Genève, le 29 janvier.

L’opposition syrienne a affiché, dimanche 31 janvier, sa volonté de donner une chance aux pourparlers de Genève. Après une première rencontre jugée « positive » avec Staffan de Mistura, l’émissaire spécial des Nations unies pour la Syrie, dans un hôtel sur les bords du lac Léman, les membres du Haut Comité des négociations (HCN, organe représentatif de l’opposition) ont accepté dans la soirée son invitation à de nouvelles discussions, cette fois au Palais des nations, lundi à 17 heures. Dans la confusion qui règne depuis l’ouverture en trompe-l’œil des pourparlers sur la Syrie, le 29 janvier, l’annonce concomitante de la venue en Suisse du président du HCN, Riyad Hijab, et celle de son négociateur en chef, Mohamed Allouche, a été interprétée comme un autre signe de l’amorce possible de pourparlers.

Une amorce fragile. Pour les membres de la délégation de l’opposition, il n’est pour l’heure pas question d’entamer des négociations avec le régime sur une transition politique en Syrie. La réunion prévue lundi avec M. De Mistura restera centrée sur les mesures humanitaires que le HCN exige de voir appliquées en préalable, conformément à la résolution 2254 votée au Conseil de sécurité des Nations unies, le 18 décembre 2015. Ses chapitres 12 et 13 prévoient l’arrêt des bombardements des populations civiles, la levée du blocus des villes assiégées, l’accès à l’aide humanitaire et la libération des prisonniers. Une réunion initialement fixée avec la délégation du régime, lundi matin, a été repoussée. Par souci d’afficher sa neutralité, l’émissaire onusien a décidé d’avoir au préalable cette « réunion préparatoire » avec le HCN, en réponse à celle qu’il a eue vendredi avec le régime.

« Tournant »

La réunion « de courtoisie » entre M. De Mistura et la délégation du HCN, dimanche midi, a un peu dissipé la défiance de l’opposition envers l’émissaire onusien. « Du point de vue des Nations unies, on a une reconnaissance réelle que nous avons raison à 100 % sur le principe de l’application des mesures humanitaires prévues par la résolution 2254, explique un membre du HCN. Staffan de Mistura reconnaît qu’il faut mettre fin aux violations des droits de l’homme. Il est renforcé dans cette idée par les engagements pris par certains pays. Nous avons reçu un engagement écrit du secrétaire d’Etat américain, John Kerry. Les déclarations des ministres des affaires étrangères français et allemand, Laurent Fabius et Frank-Walter Steinmeier, nous donnent des arguments face à la Russie », qui intervient aux côtés du président Bachar Al-Assad depuis fin septembre.

A quelques kilomètres de là, dans un hôtel près de l’aéroport, le chef de la délégation du gouvernement, Bachar Al-Jaafari, a rétorqué qu’« aucune précondition » ne serait acceptée. Mais il s’est dit prêt à discuter de mesures humanitaires, comme la libération de détenus, après une entrevue avec Ramzi Ezzedine Ramzi, l’adjoint de M. de Mistura. Cette mesure suffirait-elle à convaincre l’opposition d’entamer les négociations ? « Pour justifier l’engagement dans le processus politique, ce que nous souhaitons vivement et ce pour quoi nous sommes là, tout le monde est d’accord pour dire que la libération des femmes et des enfants est une mesure qui aurait une valeur symbolique et émotionnelle forte. Ce serait vraiment un tournant important qui renforcerait notre légitimité », estime une source au sein du HCN. Selon l’opposition, 3 800 femmes, ainsi que des enfants, sont actuellement détenues dans les geôles du régime.

Selon l’opposition, 3 800 femmes, ainsi que des enfants, sont actuellement détenues dans les geôles du régime

Cette « mesure de confiance » ne devrait pas clore pour autant le volet humanitaire. Au sein de l’opposition, deux approches se dessinent entre les « politiques », plus disposés à envisager une mise en œuvre graduelle des mesures humanitaires, et les « militaires », qui soulignent le danger d’en faire ainsi un sujet de négociation et donc de discussions sans fin avec le régime. Au risque de revivre « la mascarade et le désaveu » de Genève 2, en 2014. « Tout dépendra de la pression que les Nations unies peuvent exercer sur le régime, estime une source diplomatique occidentale. Il court le risque d’être désigné comme responsable de l’impossibilité d’entrer dans des discussions en refusant d’accepter des mesures reconnues par tout le monde. » Les parrains internationaux du processus de Vienne, à l’origine de ce nouveau round de négociations intrasyriennes, pourraient aussi s’en mêler. « John Kerry a pris l’engagement auprès de l’opposition de venir », note cette source.

Sentiment de déjà-vu

Pour ceux qui ont été témoins de l’échec de la réunion de Genève 2, ces premières journées au bord du lac Léman offrent un étrange sentiment de déjà-vu. Atermoiements, invectives, positions inconciliables, immixtion des puissances étrangères : le scénario semble prêt à se répéter. Remis en selle avec les soutiens militaires russe et iranien, le régime de Damas ne semble pas disposé à négocier. Devant la presse, le chef de la délégation du régime, Bachar Al-Jafaari, a invoqué le double attentat terroriste revendiqué dimanche matin par l’organisation Etat islamique (EI) dans le quartier de Sayyida Zeinab, à Damas, qui a fait plus de 60 morts, pour faire à nouveau l’amalgame entre terrorisme et opposition. « Nous ne discutons pas avec des terroristes », a-t-il insisté, disant douter du « sérieux » et de la « crédibilité » de l’opposition.

De son côté, l’opposition a accusé Damas de « vouloir gagner du temps pour tuer encore plus de Syriens ». L’arrivée de Mohamed Allouche, le négociateur en chef du HCN, et membre politique du groupe armé Jaïch Al-Islam (« Armée de l’islam »), ne devrait pas aider à créer la confiance. Damas et Moscou exigent que ce groupe d’obédience salafiste, qui a passé des alliances locales avec la branche syrienne d’Al-Qaida, le Front Al-Nosra, soit classé organisation « terroriste ». « Il est nécessaire pour moi d’aller à Genève pour montrer au monde qui sont les terroristes qui détruisent leur pays et déplacent leur peuple », a déclaré depuis Riyad, le frère de Zahran Allouche, tué en décembre 2015 dans un bombardement russe dans la banlieue de Damas.

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