Genève : début officiel des pourparlers sur la Syrie

La première rencontre avec l'émissaire de l'ONU a eu lieu lundi. Le but est de mettre en place une autorité de transition avant des élections à la mi-2017.

Source AFP

L'opposition syrienne souhaite obtenir des gages en faveur des civils, avant d'entrer  dans une  négociation indirecte avec le régime pour trouver une issue à   cinq ans de guerre. (Photo d'illustration)
L'opposition syrienne souhaite obtenir des gages en faveur des civils, avant d'entrer dans une négociation indirecte avec le régime pour trouver une issue à cinq ans de guerre. (Photo d'illustration) © TAMER AL-HALABI

Temps de lecture : 8 min

Les pourparlers de paix sur la Syrie "ont officiellement commencé", a affirmé lundi soir l'envoyé spécial de l'ONU Staffan de Mistura à l'issue d'une rencontre de deux heures à Genève avec la délégation de l'opposition syrienne, qui a pour sa part réitéré ses exigences humanitaires. Ce lundi, au palais des Nations à Genève, avait lieu la première rencontre formelle entre l'opposition syrienne et l'émissaire de l'ONU, qui tente d'engager des négociations indirectes de paix pour la Syrie. La délégation de l'opposition syrienne souhaitait obtenir des mesures humanitaires avant d'entrer dans un processus de négociations avec le régime de Damas, dont les représentants se sont déjà entretenus vendredi avec l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura. Après avoir longtemps hésité à rallier le processus engagé par l'ONU, le Haut Comité des négociations (HCN), une coalition d'opposants politiques et de représentants de groupes armés, avait finalement accepté de venir lundi après-midi au siège de l'ONU.

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Les opposants avaient déjà rencontré Staffan de Mistura ce dimanche, mais dans le cadre informel d'un hôtel, et avaient de nouveau formulé leurs demandes de mesures humanitaires concrètes avant d'entrer dans toute négociation : fin des bombardements, levée des sièges et libération de détenus. La demande la plus « réalisable », selon une source diplomatique, porte sur la libération de milliers de civils détenus dans les geôles du régime. « Nous avons reçu des assurances de nos amis dans la communauté internationale et nous avons eu une réponse positive de l'émissaire spécial de l'ONU », a expliqué un de ses porte-parole, Salem al-Meslet. « Nous intensifions nos efforts pour mettre un terme aux souffrances en Syrie. » Le chef rebelle islamiste syrien Mohamed Allouche a déclaré être arrivé lundi soir à Genève pour conduire la délégation de l'opposition syrienne aux pourparlers de paix organisés sous l'égide de l'ONU. Mohamed Allouche est membre du bureau politique du groupe armé rebelle Jaïch al-Islam (Armée de l'Islam), un mouvement d'inspiration salafiste soutenu par l'Arabie saoudite, mais que le régime de Damas qualifie de « terroriste ». Il a été nommé négociateur en chef du Haut Comité des négociations, en vue des discussions de Genève.

La Russie au coeur des désaccords

Déterminée à arracher des gages pour les civils syriens, l'opposition au président Bachar el-Assad a officiellement discuté avec l'ONU à Genève, mais n'a pas encore donné son feu vert pour des négociations indirectes avec le régime. Cependant, l'opposition syrienne a reçu lundi de l'ONU « des messages très positifs » sur ses demandes humanitaires et attendra la réponse du régime avant de décider formellement d'entrer dans des discussions de paix, a déclaré un de ses porte-parole à l'issue d'une rencontre avec Staffan de Mistura. « Nous avons reçu des messages très positifs de la part de l'envoyé spécial de l'ONU. Il rencontrera demain la délégation du régime et nous attendrons une réponse de ce dernier », a déclaré Saleh Meslet en réitérant les demandes de l'opposition sur la levée des sièges, l'arrêt des bombardements et la libération de détenus en Syrie. Mais rien n'est encore fait puisque ce lundi soir, l'opposition accusait Moscou de vouloir « créer un nouvel Hitler » en soutenant Assad. « Le régime russe va créer un nouvel Hitler (...) nous souffrons d'un Hitler en Syrie », a déclaré à la presse un porte-parole du Haut Comité des négociations (HCN), Salem Al-Meslett, à l'issue de cette première rencontre.

Un dialogue indirect

Staffan de Mistura veut mettre en place un dialogue indirect entre les deux camps, avec des émissaires chargés de faire la navette. Ce processus pourrait s'étendre sur six mois, délai fixé par l'ONU pour aboutir à une autorité de transition qui organiserait des élections à la mi-2017. L'opposition syrienne pousse donc ses pions à Genève pour tenter d'obtenir des gages en faveur des civils, avant d'entrer dans une négociation indirecte avec le régime dans l'espoir de trouver une issue à cinq ans d'une guerre meurtrière. Si ces tractations s'engagent, elles ne devront en aucun cas permettre d'amnistier les auteurs de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, a tenu à souligner le haut-commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme. « Nous espérons qu'au cours des négociations, les médiateurs insisteront bien évidemment sur ce point auprès des parties au conflit », a indiqué Zeid Ra'ad Al Hussein. Ces violations sont commises tous les jours en Syrie, où les bombardements tuent indistinctement civils et combattants, où une quinzaine de localités sont actuellement assiégées et où des dizaines de milliers de civils sont détenus arbitrairement, selon l'ONU. Preuve de l'urgence à agir : huit habitants de Moadamiyat al-Cham, une ville assiégée par des forces loyalistes, sont morts en janvier faute d'assistance médicale, a rapporté lundi le bureau des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). Samedi, MSF avait de son côté annoncé que 46 personnes étaient mortes de faim depuis le 1er décembre à Madaya (ouest), une ville près de Damas assiégée par les forces du régime.

Diplomatie parallèle

Les discussions officieuses retardaient l'ouverture des pourparlers officiels. L'ONU, avait reporté une nouvelle rencontre initialement prévue lundi matin. Ce report visait, selon une porte-parole de l'ONU, « à permettre à Staffan de Mistura de rencontrer d'abord le HCN ». La réunion ONU-régime a été reprogrammée à mardi à 10 heures GMT, selon une source dans le gouvernement syrien. Pour l'aider à avancer, un grand nombre de diplomates étaient présents à Genève, pour des entretiens parallèles. La secrétaire d'État adjointe américaine pour le Moyen-Orient, Anne Patterson et l'émissaire des États-Unis pour la Syrie Michael Ratney vont ainsi rencontrer lundi le vice-ministre des Affaires étrangères russe Guennadi Gatilov.

La communauté internationale cherche une issue négociée à la guerre en Syrie qui, depuis mars 2011, a fait plus de 260 000 morts et poussé des millions de personnes à quitter leur foyer. Le chaos syrien a également permis l'essor du groupe État islamique qui a conquis de larges pans du territoire. Dimanche, un attentat anti-chiite revendiqué par l'EI a encore tué au moins 70 personnes, près de Damas. Malgré l'urgence humanitaire, la partie est loin d'être gagnée, tant la méfiance est grande entre les deux camps, qui ont multiplié dimanche les actes de défiance. L'émissaire de Damas, l'ambassadeur syrien à l'ONU Bachar al-Jaafari ont ainsi accusé la délégation de l'opposition de n'« être ni crédible ni sérieuse ». Le HCN a de son côté confirmé que sa délégation serait bien menée par le « général » Mohammed Allouche, membre du bureau politique du groupe armé rebelle Jaïch al-Islam (l'Armée de l'islam), un mouvement d'inspiration salafiste que le régime de Damas qualifie de « terroriste ». Pour Damas, tous les rebelles sont « terroristes », qu'ils soient modérés ou djihadistes.

L'appel de Ban Ki-moon

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, en visite à Oman, a pressé ce lundi les protagonistes du conflit syrien qui sont rassemblés à Genève, à mettre fin aux souffrances de leur peuple, et a appelé l'Iran et l'Arabie saoudite à « faire des compromis » au Moyen-Orient. « Nous devons d'urgence assister à la fin des combats, des sièges et des autres violations terribles des droits de l'homme qui ont marqué cette guerre » en Syrie, a déclaré Ban Ki-moon, dans un discours prononcé au National Defense College du sultanat d'Oman. « Les civils, dont des enfants et des femmes, sont les premières victimes du conflit » syrien qui a fait plus de 260 000 morts et poussé à l'exode des millions de personnes depuis mars 2011, a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de l'ONU a admis que la mission de Staffan de Mistura « ne sera pas facile, mais nous devons commencer ». « Le chemin pour mettre fin aux conflits pourrait être long et difficile. Mais une diplomatie déterminée peut aider à contenir les crises dans la région », a-t-il ajouté, en évoquant aussi la guerre au Yémen. Le secrétaire général faisait allusion aux différentes puissances régionales et internationales impliquées dans le processus diplomatique pour un règlement négocié en Syrie. Il a cité notamment l'Arabie saoudite, qui soutient l'opposition, et réclame le départ du président Bachar el-Assad, et l'Iran qui, avec la Russie, sont les principaux alliés du régime de Damas. « Je souhaite que l'Iran et l'Arabie saoudite, malgré leur méfiance et leurs difficultés, puissent faire preuve de réalisme, de responsabilité et de compromis dans leurs relations et pour la région », a déclaré Ban Ki-moon. Il a émis l'espoir que l'Iran, libéré des sanctions internationales depuis l'entrée en vigueur en janvier de l'accord nucléaire conclu avec les grandes puissances, « agira d'une manière de plus en plus responsable » au Moyen-Orient où Téhéran et Riyad se livrent des guerres par procuration, notamment en Syrie et au Yémen.

L'Arabie saoudite a rompu le 3 janvier dernier ses relations diplomatiques avec l'Iran à la suite du saccage de son ambassade à Téhéran par des manifestants en colère après l'exécution d'un dignitaire chiite saoudien, Nimr al-Nimr, un virulent opposant au régime de Riyad, condamné à mort pour « terrorisme ». Ban Ki-moon, qui s'est entretenu lundi à Mascate avec des responsables omanais, dont le ministre des Affaires étrangères Youssef Ben Alawi Ben Abdallah, a loué le rôle de médiation que le sultanat d'Oman joue dans les conflits régionaux, en particulier au Yémen.

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Commentaires (3)

  • alainalbert

    Très mauvaise comparaison et "reductio at hitlerum". En 1940-1944, le pouvoir légal en France était l'Etat français, dirigé par le Maréchal Pétain. Les forces de police, la milice et les GMR collaboraient officiellement avec l'occupant, pour faire la chasse aux résistants, qualifiés de terroristes. Les collabos navigaient sans problème du gouvernement à l'occupant (cf. Bousquet), certains poursuivant dans la LVF puis la division Charlemagne.

  • cico21

    Sans commentaires

  • Illitch

    Ces gens de l'opposition "syrienne" me font amèrement penser à ces "collabos" français à la solde de l'Allemagne nazie. Eux, sont à la solde de l'Arabie Saoudite, du Qatar, de la Turquie, des USA et de la France. Ils connaissent plus les palaces de Ryad, de Doha et d'Ankara que les rues populaires de Damas.