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DESINTOX

95% des lieux de culte dégradés sont chrétiens ? Ça n'a guère de sens

Le FN a coutume de relativiser les actes islamophobes ou antisémites en mettant en avant une statistique choc. Qui, souvent, ne veut pas dire grand-chose.
par Pauline Moullot
publié le 8 janvier 2016 à 18h19
(mis à jour le 8 janvier 2016 à 18h26)

INTOX. L'idée est tenace. En particulier au FN, qui continue de propager l'idée selon laquelle les actes anti-chrétiens sont sous-estimés par rapport à l'islamophobie ou l'antisémitisme. Après Marine Le Pen, c'est au tour de Nicolas Bay, numéro 3 du parti frontiste, réagissant à une déclaration de Manuel Valls, de ressortir un chiffre qui ne veut pas dire grand-chose.

DESINTOX. Si l'on s'en tient aux chiffres bruts, il est indubitable que les atteintes aux lieux de culte chrétiens sont les plus nombreuses. Et de loin, même si Nicolas Bay exagère un peu avec ses 95%. D'après les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur, sur 591 actes contre des lieux de culte recensés en 2014, 467 visaient des sites chrétiens. Soit 79%.

En intégrant les profanations de sépultures, le Figaro indiquait, en avril dernier, que ce chiffre montait à 807 exactions, dont 673 à l'encontre de sites chrétiens, soit 83%.

Il faut par ailleurs remettre ce chiffre en perspective : si les atteintes contre les lieux de culte chrétiens sont beaucoup plus nombreuses, c'est aussi parce qu'il existe beaucoup plus de sites chrétiens. Selon l'Observatoire du patrimoine religieux, 95% des édifices religieux en France sont catholiques. Alors que l'on compte 45 000 églises, il y a 2 300 mosquées et 300 synagogues.

Mais surtout, le ministère de l'Intérieur notait en 2013 que les atteintes contre les sites chrétiens étaient «rarement fondées sur une idéologie précise». Il relevait même, fin septembre, que sur les 467 atteintes aux lieux de culte chrétiens, 28 présentaient une «connotation raciste», 9 «un caractère satanique» et 19 une «connotation anarchiste». Ce qui conduit le ministère à conclure que, dans la grande majoité des cas, les auteurs de ces exactions sont «plus intéressés par le profit tiré du vol d'objets sacrés ou par le contenu que par une réelle volonté de dégrader les lieux de culte».

A l'inverse, les actes contre les lieux de culte juifs ou musulmans sont bien plus souvent connotés antisémite et islamophobe. En témoignent les corans partiellement brûlés dans une salle de prière en Corse où les inscriptions racistes et la tête de sanglier retrouvés sur la grande mosquée de Perpignan ce vendredi matin.

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