analyse

Vers une «grande coalition» contre l’EI

La France et la Russie infléchissent leurs lignes pour se rejoindre autour d’une stratégie commune avec les Etats-Unis.
par Marc Semo
publié le 17 novembre 2015 à 18h46

Les attentats de Paris sont en train de faire bouger les lignes. «La Syrie est peut-être à quelques semaines d'une transition politique», a déclaré le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui était mardi à l'Elysée. Un accord sur une solution négociée de la guerre en Syrie est en effet l'élément clé pour concrétiser la «grande coalition» contre l'EI souhaitée par François Hollande en y intégrant la Russie. Le président français et son homologue russe se sont parlé mardi au téléphone pour accroître la coopération militaire. «Il faut un rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste», avait déclaré le Président devant le Congrès à Versailles, martelant que «l'ennemi, c'est Daech», même s'il a rappelé que Bachar al-Assad ne pouvait être «l'issue du conflit». Si Paris infléchit encore un peu plus sa position, se mettant au diapason de l'administration américaine, le Kremlin, qui bétonnait jusqu'ici la position d'Al-Assad affirmant que «seul le peuple syrien peut décider de son sort», commence aussi à évoluer, laissant entendre que le boucher de Damas pourrait ne pas aller jusqu'au bout de son mandat. Depuis le début de son intervention en Syrie, Moscou visait pour l'essentiel les groupes hostiles au régime et seulement marginalement l'Etat islamique. Les choses sont en train de changer depuis l'attentat contre l'avion russe dans le Sinaï, le 31 octobre, finalement reconnu comme tel par Moscou mardi : les Russes ont dans la foulée bombardé Raqqa, capitale de l'EI, avec des missiles de croisière.

Dès ce week-end, le mouvement était enclenché. Lors du sommet du G20 à Antalya, en Turquie, le président américain, Barack Obama, et son homologue russe, Vladimir Poutine, avaient discuté ensemble du dossier syrien, évoquant des «convergences», malgré, encore, des «divergences tactiques». Deux jours plus tôt, il y avait eu quelques avancées à Vienne où, à l'initiative de Moscou, se tient une conférence sur la Syrie impliquant désormais 17 pays. Un accord de façade évoquait un cessez-le-feu, une nouvelle Constitution, des élections libres après des négociations entre le régime et tous les groupes de l'opposition. La Russie et l'Iran s'opposent toutefois aux requêtes des Occidentaux, comme de la Turquie ou de l'Arabie Saoudite, d'un calendrier pour la mise à l'écart du dictateur. Mais un processus n'en semble pas moins en train de s'amorcer timidement. «Les discussions de Vienne ont marqué pour la première fois un accord entre tous les pays clés», a reconnu Barack Obama, qui défend la stratégie de lutte contre l'EI menée jusqu'ici à partir de frappes aériennes et de forces spéciales, mais sans déploiement de soldats au sol.

Même si la transition politique en Syrie risque d’être encore longue à se concrétiser, ce dialogue entre les Occidentaux et Moscou devrait permettre une plus intense coopération en matière de renseignement, voire une certaine coordination des opérations militaires contre l’Etat islamique. Paris s’active en outre pour que le Conseil de sécurité de l’ONU adopte au plus vite une résolution. François Hollande devrait rencontrer la semaine prochaine Barack Obama et Vladimir Poutine pour la mise en place de cette grande coalition qu’il appelle de ses vœux.

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