L’année 2014 aura été
riche en évènements. Les jeux Olympiques de Sochi, tant critiqués par les
médias internationaux qui se sont soldés par un double succès pour la Russie,
sur le plan de l’organisation et sur celui des médailles. Les grincheux de tous
bords se sont accrochés au coût soi-disant exorbitant de l’organisation, en
prenant soin de ne pas faire la différence entre les coûts directs de
l’organisation et les travaux d’infrastructure.
Malheureusement, il y a eu
aussi la reprise de la guerre en Irak, l’épidémie de fièvre hémorragique
« Ebola », et, bien sûr, plus près de nous, le coup d’état en Ukraine
et la guerre civile qui s’en suivit faisant plus de quatre mille cinq cent morts
dont beaucoup de civils, d’innombrables blessés, des déplacés et des
destructions énormes. Le pays ne s’en remettra qu’au prix d’efforts
incroyables. Des efforts qui, d’ailleurs, pèseront sur le portefeuille des
Européens, donc le nôtre. Je me prends à rêver à un système qui permettrait de
faire payer par les dirigeants le prix
de leurs erreurs ! Car en Ukraine également, qui paye le plus lourd tribu
au chaos organisé par les dirigeants locaux avec le soutien de l’Union
Européenne et des Etats Unis ? La population, bien sûr, qui pourtant n’est
pour rien ou presque dans ce qui s’est passé.
On a beaucoup parlé aussi,
en particulier en France, de la vente des navires Mistral, enfin surtout de
leur livraison, car, curieusement, c’est la livraison qui a fait couler le plus
d’encre. Mais l’élément déclencheur était bien la vente, non ? En août 2008,
le président Sarkozy, alors président de l’Union Européenne intervenait dans le
conflit entre la Russie et la Géorgie à la satisfaction générale, et en
particulier à celle de la Russie. Il ne se laissait, en effet, pas
impressionner par la propagande américaine ni celle de certains pays européens
prétendant que la Russie avait attaqué son pauvre voisin, alors que
l’assaillant était effectivement, la Géorgie, ce qu’une enquête de l’Union Européenne
devait confirmer plus tard. Pour le remercier de son intervention, la Russie
décidait de commander deux navires ce qui réglait un problème grave aux
chantiers navals de Saint Nazaire. Je ne me souviens pas avoir entendu à
l’époque de réactions négatives. Sauf, peut-être en Russie ou un bon nombre de
militaires expliquaient que de tels navires ne correspondaient pas à la
doctrine d’emploi de la marine russe. Ils n’ont pas été entendus du côté russe
car il s’agissait aussi d’un acte politique qui visait à resserrer les liens
entre la Russie et la France dans un domaine hautement stratégique, celui de la
défense.
Mais en 2014, l’offensive
contre la Russie était lancée par les Etats-Unis, via l’Otan et l’Union
Européenne, par l’intermédiaire du coup d’état orchestré en Ukraine. Alors, il
devenait impensable qu’un pays membre de l’Otan puisse livrer du matériel
militaire à « l’ennemi ». On remarquera que c’est le même Nicolas
Sarkozy qui a signé le contrat de vente des Mistral et qui a ramené la France
dans le commandement intégré de l’Otan, rendant impossible la livraison de ce
qu’il avait contribué à vendre…
Depuis quelques mois, les
commentaires vont bon train. Livrer, ne pas livrer, tous les « grands
esprits » de la politique française, ou presque ont donné leur avis, ce
qui ne contribue évidemment pas à la clarté des débats. Du côté russe également,
les commentaires se sont multipliés. Une fois la poussière des mouvements
retombée, que reste-t-il ? On a parlé de pénalités astronomiques en cas de
non livraison. Où en sommes-nous ? Le côté russe ne demande, en fait, que
le remboursement des sommes versées. « Rendez-nous notre argent et gardez
vos navires. Ils sont parfaitement adaptés à la doctrine d’emploi de la marine
française qui n’est pas la nôtre et, en plus, ils sont extrêmement vulnérables,
ce qui implique une organisation tactique particulière qui n’est pas non plus
la nôtre ».
Le manquement à la
parole ? Les Russes sont bien placé pour évaluer cet argument à sa juste
valeur, eux qui ont renoncé, en septembre 2010, par décision du président de
l’époque, Dimitri Medvedev, à livrer à l’Iran cinq batteries de missiles S300
pourtant dûment commandées et payées. Après des réactions enflammées, un accord
a été trouvé comme un accord sera trouvé avec la France. Quelle influence cela
aura-t-il sur la « signature française » au niveau
international ? Sans doute beaucoup moins que ne veulent le dire des
journalistes avides de sensations et qui ne connaissent pas grand chose à ce
sur quoi ils prétendent avoir un avis.
Que reste-t-il de tout
cela ? La France reste avec deux navires dont elle n’a pas besoin, des
navires qu’il lui sera difficile de vendre ailleurs car ils ont été construits
suivant des normes spécifiques au client initial et un constructeur privé qu’il
va bien falloir indemniser. Avec quel argent ? Vous connaissez la réponse
comme moi. Tâchez de vous en souvenir en 2017 ! Nous voilà donc, avec un
problème franco-français.
Le plus important, à mon
avis, n’est pas ce problème d’épicier. Le plus important est ce que la crise
Ukrainienne a provoqué et que je n’ai pas vu soulevé par mes « chers
confrères ». Il me faut admettre, ici, que je les lis de moins en moins et
donc une éventuelle réaction de ce type a pu m’échapper. Le plus important donc
c’est que maintenant, l’Europe ne peut plus faire semblant d’être indépendante.
Elle ne l’était pas, c’est évident, mais elle pouvait toujours essayer de faire
croire le contraire. Depuis l’affaire des Mistral, mais surtout depuis les
sanctions décidées sous la pression des Etats-Unis et dont on a maintenant la
preuve qu‘elles pénalisent l’Europe autant que le Russie, sinon plus, il n’est
plus possible de prétendre que l’Europe a une politique indépendante des
Etats-Unis. Mais le pire, c’est que maintenant le monde entier le sait, en
particulier la Chine et la Russie. Et l’Europe sait que la Chine et la Russie
le savent…
Vous pouvez imaginer
comment vont se passer les réunions internationales en 2015 ? Les
dirigeants européens avaient déjà abdiqué leurs responsabilités au profit de
l’Union Européenne. « Je ne peux pas prendre ces décisions car elles vont
à l’encontre des règlements européens ». Maintenant, j’ai admis que je ne
pouvais pas non plus prendre de décisions sans l’approbation des Etats-Unis.
Entre Bruxelles et Washington, quelle est la marge de manœuvre de, disons, au
hasard, François Hollande ?
Est-ce qu’il commencerait à réaliser la situation et
faudrait-il expliquer ainsi son escale rapide à Moscou en revenant
d’Astana ? Ou est-ce que je continue à prendre mes désirs pour des
réalités ?...
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